Ana Silva: As guardiãs

5 Juin - 30 Août 2025
Vernissage le 5 juin à partir de 18h en présence de l'artiste

Ana Silva s’est d’abord fait connaitre lorsqu’elle réalisait des scènes de maternité sur textile, puis elle s’est mise à récupérer des sacs en raphia sur les marchés de Luanda dont elle détournait l’usage pour les broder et parfois les assembler sous forme d’installation. Tout en donnant une seconde vie à ces objets, elle dessinait avec poésie, au fil de couleur, des scènes de la vie quotidienne ou de moments d’intimité.

Depuis Portrait de famille sa première exposition à la galerie MAGNIN-A en 2021, son travail a continué à évoluer tout en développant le motif qui lui tient à cœur : la place des femmes. De brodeuse, elle se fait aussi conteuse ouvrant la parole à des récits à la fois oniriques et elliptiques.

Récemment, Ana Silva s’est mise à travailler la crinoline, un matériau plus léger et transparent, créant des œuvres de grande taille. Ce changement de proportion correspond probablement à la place qu’elle accorde à l’environnement. Dans ses nouvelles séries, arbres et plantes, fleurs et oiseaux, animaux de la forêt et de la savane incarnent les partenaires privilégiés des femmes qui semblent immergées dans une végétation riche et luxuriante, reliées aux éléments par des lianes, des racines et des branchages. En s’emparant des éléments tels que l'eau, la faune et la flore, Ana Silva souligne le lien indicible entre la féminité et la terre. Tout en personnifiant la nature, les figures féminines symbolisent ici la fertilité, le don, voire la promesse d’un renouveau. Dans une forme d’allégorie poétique, et avec un sens aigu de la composition, l’artiste représente, comme dans les contes, des femmes aux tenues pailletées quasi féériques qui se voient pousser des corps-troncs, des bras-branches ou des mains-fleurs.

Au-delà de ces scènes d’enchantement, l’artiste nous invite à questionner - sans faire peser ces facteurs d’inquiétude - le changement climatique dramatique, l'exploitation excessive des ressources naturelles du monde (forêts, rivières, mines) qui sont autant de sujets politiques et écoféministes.

C’est à quelques heures de route de Luanda (Angola), qu’Ana Silva revient régulièrement puiser ressourcement et inspiration dans la ferme familiale – le lieu d’initiation artistique de son enfance. Récemment, tout en y prenant des photos, elle a découvert que les groupes de femmes qui ont toujours vécu alentour, exercent un rôle de veille et de protection. Admirative, Ana Silva leur rend hommage dans cette exposition, les consacrant comme figures centrales, à la fois détentrices de légendes initiatiques, gardiennes de la mémoire, piliers de la transmission, porteuses des changements, initiatrices des combats, et de tant d’autres émancipations en voie de conquête.

 

Odile Burluraux
Conservatrice en chef du patrimoine
au Musée d’Art Moderne de Paris